
L’histoire de la demande [4] : ma petite demande sans prétention

Une chronique de Mlle Carpe –
Si tu n’as pas tout suivi de cette longue histoire de la demande, et que tu te demandes pourquoi on en est à l’épisode 4, je te recommande d’aller lire :
– le choix de la bague
– les demandes avant la demande
– le jour où on a failli se dire oui
Puis, de poursuivre sur cet article.
Bon, tu peux aussi sauter tout ça et passer directement à la suite, mais sache que tu me feras beaucoup de peine parce que j’ai mis tout mon cœur à te tenir en haleine jusque-là. Et, tu ne veux pas que je sois triste, hein ? Dis ? Tu ne veux pas !
S’aimer au temps du COVID
Comme tout le monde, le covid est entré dans nos vies et nous avons dû composer avec. Lorsqu’il s’est déclaré, je venais d’obtenir mon diplôme et, dans le même mouvement, d’emménager chez Monsieur Lapin. D’un couple qui se retrouve le week-end pour partager la vie culturelle, nous sommes subitement devenus un couple du quotidien.
Ces épreuves auraient pu mettre à mal notre relation. J’étais très seule dans son appartement. Ma famille vit loin. Mes amies sont loin. Monsieur Lapin travaille 12 heures par jour. Et les périodes de chômage ou d’emploi très précaires me minent un peu le moral.
De son côté, Monsieur Lapin a dû me faire une place dans sa vie.
Je serais incapable de dire si cela lui a été difficile ou non : il s’est toujours montré enthousiaste avec moi. Lorsqu’il rentrait le soir, alors qu’il me trouvait parfois avachie dans le canapé à pleurer une énième séparation entre Chuck et Blair, tout en pestant contre la toxicité de leur relation, il venait à ma rencontre, de son pas allègre en s’exclamant « bonjour ma chérie ! ».
Lorsque j’ai enfin trouvé mes premiers emplois, à Pétaouchnok et que j’ai dû prendre de nouveaux appartements et nous imposer des trajets pour nous retrouver, il était content pour moi : « ça nous fait des nouveaux coins à voir ! ».
Bref, il s’est toujours montré enthousiaste à ma présence dans sa vie.
(Oui, je suis une grosse chanceuse. J’ai le meilleur homme du monde. Non, je ne le prête pas. Tu peux dire « s’il te plait » autant que tu veux, il est à moi, je le garde, c’est mon précieux. Et je préfère cent fois me jeter dans les flammes du Mordor avec lui que m’en délester – ce qui, je pense, le rendrait aussi enthousiaste, parce que c’est avec moi et que ça fait des nouveaux coins à voir. [Monsieur Lapin ajoute : « En plus, je suis sûr, qu’au Mordor, il fait chaud »])

Moi, qui entend enfin la porte d’entrée s’ouvrir et le pas enthousiaste de mon précieux après une longue journée de confinement.
[Ajout de Monsieur Lapin : c’est vrai que tu as des grands yeux]
Toujours est-il que nous avons continué à tisser nos liens dans ces mésaventures avec autant de facilité que si nous étions des châtelains, avec un parc de 1000 hectares, qui postent des photos sur Instagram avec écrit #Confinement. Monsieur Lapin, mon château à moi.
Un des jolis moments que nous aimions partager lors d’une des vagues (laquelle, je ne saurais dire), c’était notre balade du samedi au marché et à la bibliothèque de notre petite ville. Nous revenions alors les bras chargés de victuailles et de bandes dessinées. Nous nous allongions dans notre canapé, définitivement trop petit pour deux et, glissant à moitié, les pieds de l’un dans le visage de l’autre, nous lisions toute l’après-midi, s’échangeant nos impressions et nos livres.
Dans ces moments, j’ai pu réaliser à quel point le mariage dépasse pour moi le romantisme qu’on y accole. Il me vient l’envie d’une demande toute simple, inscrite dans ce quotidien tranquille qui forme le noyau dur de notre bonheur confiant.
Lui demander sa main (et tout le reste de son corps, parce que faut pas déconner quand même)
C’est donc un week-end de confinement comme les autres. Nous sommes allés faire quelques courses au marché et sommes revenus les bras chargés de bandes-dessinées. Quelque part, dans l’appartement est caché une bouteille de Chartreuse Verte, l’alcool préféré de Monsieur Lapin, que j’avais acheté pour le « bon jour ».
Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui je sens que c’est le bon jour ? Je ne sais pas. Peut-être la lumière particulière de ce début de printemps. Peut-être un câlin encore plus tendre qu’il m’aurait fait dans la nuit. Peut-être rien de tout ça. Je souhaite simplement poursuivre cette tranquillité heureuse un peu plus engagée à son égard.
Je glisse la bague dans la poche de mon jogging, ce qui n’est d’ailleurs pas très pratique. Mon jogging me va trop grand et le poids, aussi léger soit-il, de la petite boite rouge, le fait glisser sous mes fesses, m’obligeant à marcher une main sur la ceinture et l’autre sur la poche dès que je veux me déplacer dans l’appartement.
Bien heureusement pour moi, j’ai peu de déplacement : nous sommes dans le canapé toujours trop petit. Nous lisons. L’effort reste modéré.

Moi qui regarde discrètement Monsieur Lapin par dessus ma BD.
J’ai du mal à me concentrer sur ma lecture. Je le regarde par-dessus mon Walking Dead T3, en rougissant. Il me demande souvent pourquoi je le regarde comme ça. Je vais pour bégayer ma petite demande, mais je réponds « non-non rien un zombie rigolo qui arrache une tête, c’est tout », et je replonge mon nez dans ma BD. Plus les heures avancent, plus mon état de tension augmente. Mon regard se fait plus insistant et ma bouche plus pâteuse. Je me sens chancelante, un peu bête et terriblement intimidée.
Le soleil se couche. La soirée s’avance. Monsieur Lapin me dit qu’il a faim. Je lui propose de nous commander des sushis. Monsieur Lapin acquiesce. Je vais pour passer commande.
Et là, EUREKA.
Me vient une idée, une idée superbe et tout à fait lâche, tout à fait à la hauteur de la couardise qui est la mienne en ce moment. Au lieu de donner mon nom et mon prénom (ou son nom et son prénom), je donne son prénom et mon nom et son numéro de téléphone. J’imagine que lorsque le livreur appellera avec l’erreur de nom, Monsieur Lapin comprendra tout de suite et dira « Oh mais quelle bonne idée de se marier ! Oui, je suis d’accord ».
Le livreur appelle pour dire qu’il est en bas : « Monsieur [prénom de Monsieur Lapin] Carpe, je suis en bas » (je fais vachement bien le livreur, n’est-ce pas ?). Je tremble un peu.
Monsieur Lapin : Ah. Le livreur m’a appelé par ton nom de famille.
Moi : Oh, mais comme c’est étrange. Et comment tu le comprends ?
Monsieur Lapin : Il a du se tromper.
Moi : …
Monsieur Lapin : …
Moi : Je trouve que mon nom te va bien.
Monsieur Lapin : Oui, c’est rigolo.
Moi : Du coup, tu veux le garder ?
Monsieur Lapin : On parle de ça après, le livreur attend.
Moi [toujours allongée dans le canapé, sors la bague et manque de me casser la gueule parce que le canapé est trop petit, je dis en tremblant] : On peut aussi garder ton nom. Tu veux bien… heu… tu serais ok … . ? Bon, d’accord ?
Est-ce que Monsieur Lapin m’a sauté au cou, les larmichettes plein les yeux, comme dans les téléfilms de Noël où le type court derrière le taxi et que la nana arrête le taxi et court dans les bras du type, en disant « ralala, ça nous fera peut-être économiser la course » ? Est-ce que le livreur est entré avec une troupe de livreur pour faire une danse façon Bollywood en chantant « embrasse-la » de la petite sirène ?

Voilà ce que j’attendais, c’est pas trop demandé, non ?!
Presque.
Monsieur Lapin : Rah, mais là tu triches ! Je n’ai pas ta bague moi. Faut que j’aille la chercher. Attends, je vais prendre les sushis parce que le livreur rappelle, et je vais chercher ta bague.
Moi : Nan-nan-nan. Là, c’est toi qui triches. C’est ma demande, t’as qu’à trouver une idée pour ta demande, ou la faire après. Mais là, c’est la mienne de demande. Du coup, tu veux m’épouser ?
Monsieur Lapin : Bah, je ne dis pas non.
Moi : C’est un oui ?
Monsieur Lapin : Bah, je dis pas non, ça veut dire ça.
A ce moment-là, mon cœur bat la chamade. Je lui passe sa bague au doigt. Il rougit. Je souris niaisement. Je chantonne « embrasse-là », parce que le livreur n’a pas joué le rôle que je lui ai télépathiquement demandé d’exécuter pour moi (et que de tout de manière, il faut bien se le dire, il n’est pas assez payé pour ces conneries). Et Monsieur Lapin, court d’un pas ailé en direction des sushis, sans oublier de donner un gros pourboire pour l’attente.
Il revient (ouf !). Et il a dans une main le plateau de sushi dans l’autre la bague qu’il me tend en souriant. Il me regarde. Je le regarde. Il me regarde. On se fait un remake de tous les épisodes de « Bref » réunis. Je finis par prendre la parole.
Moi : T’as pas posé la question.
Lui : Oui, mais t’as compris.
Moi : Bah, faut poser la question quand même.
Lui : Tu veux m’épouser ?
Moi : Bah, je dis pas non, moi non plus. Heu moi aussi. Heu, faut une double négative là ou pas, pour dire « oui » sans le dire ?
Monsieur Lapin me passe la bague au doigt. Il est tout intimidé.
Je cours chercher la bouteille de Chartreuse. Il est content. Nous mangeons quelques sushis en buvant un verre. Puis replongeons dans nos histoires de zombies qui se font exploser la tête à coups de hache. Il fait maintenant nuit et la nuit est douce. Parfois, on lève la tête pour se regarder ou regarder la bague et on se sourit bêtement.
Parfois, je me demande…
Découvrant les chroniques des futures mariées et surtout leurs articles sur la demande, je suis parfois prise d’un doute. Est-ce que ça lui a plu, un peu quand même, cette demande-là, à Monsieur Lapin ? Est-ce que ça ne manque pas de fleurs, d’orchestre symphonique, de tour Eiffel et de tigres du Bengale et de cerceaux de feu ?
Quelques mois après cette demande, je finis par lui poser la question. Il me répond qu’il ne se souvient plus de la demande. Je suis déçue. J’ai fait trop simple.
Mais, il poursuit « pour moi, la demande, ce n’est pas un jour particulier, c’est un processus. Tu m’as demandé là avec la bague. Avant ça et depuis ça, on se formule la même demande tous les jours. [C’est vrai qu’on se pose mutuellement la question tous les matins] Et le processus me plait. Tu sais, je me moque un peu du mariage, ce qui compte surtout pour moi c’est d’être marié avec toi. Le jour de la fête… ce sera juste une fête. »
Si je n’étais pas déjà fiancée avec lui, je crois que je lui ferais ma demande juste à ce moment-là. Parce qu’il me plait bien, ce type. Et s’il ne se souvient pas de la demande, il n’empêche qu’il porte sa bague au doigt tous les jours, et que c’est mon fiancé.
Est-ce enfin la fin de cette longue histoire de la demande ?
Hé bien, ma chère paillette, ma chère chaussette, pas tout à fait. Une autre demande aura lieu encore un peu plus tard, à la suite d’une sombre histoire de qui-propos et de bague rendue (oui, l’un de nous, mais je ne dirais pas qui à fait cet affront à l’autre, et mérite de faire la vaisselle à tout jamais et jusqu’à ce que mort s’en suive). Mais, promis, je te raconte ça la prochaine fois.
Et toi ? Comment s’est passée ta demande ? Qui l’a faite, lui ou toi ? Plutôt surprise ou processus ?
Mlle Carpe
Ta plume est tellement chouette ! N’arrête jamais d’écrire ! J’ai ri et j’ai pleuré, ce qu’on demande à une bonne chronique 😉 Merci !
J’aime vraiment beaucoup te lire ! Et cette demande est vraiment belle car elle vous ressemble et c’est ce qui compte le plus 🙂
Mais j’ai tellement adoré tes chroniques que j’en redemande!!!!
Vivement la prochaine même si ce teasinh semble un peu dramatique… J’ai hâte de continuer à partager avec vous (Oui j’adore les petites incursions de m. Lapin) la suite de vos aventures!
Perso, j’attendais une demande en bonne et due forme, vu qu’on partait en voyage à la fin de ses études (et qu’il m’avait dit d’attendre jusque là), j’avais tout prévu et même surligné pour lui les spots où ça pouvait être des très beaux spots pour faire une demande (sans lui dire hein…)
Et bien banco, il n’a rien vu et m’a fait sa demande une journée de pluie, dans la voiture où on déjeunait car il faisait vraiment trop moche et en plein milieu d’une journée sans point d’intérêt…
Et finalement cette demande à été bien mieux que toutes celles que j’avais planifiées car elle lui ressemblait beaucoup plus…
Je crois que je vous aime ♥️
En plus d’être fan de ton écriture, j’adore le couple que vous formez avec Monsieur Lapin! Et ces demandes sont tellement belles
Elle est magnifique cette demande, elle respire l’authenticité, elle est vous, j’adore. (Et j’adore ta plume, mais ça je pense que je le dis à chaque fois !)
Je vous ai imaginés en la lisant, je la trouve tellement émouvante. Pas besoin de grand geste si ce n’est pas vous 🙂
Pas de doute à avoir, ta demande est magnifique car elle vous ressemble 🙂 Et la simplicité vaut parfois plus que tout le tralala cliché des demandes en mariage.