Couple / Enfants

Ôde à ces petits héros qui ne le savent pas

Une chronique de Madame [ã]ncre

Petite fille…

Hier, au détour d’une lecture, cette phrase s’est jetée sur moi : « Tant d’enfants ont sauvé leur parent sans même le réaliser »

Est-ce que tu réalises, toi, que tu as été ma sauveuse à moi ?

Petite fille… Quand tu es née, tu m’as littéralement sauvée. Est-ce que tu le sais ? Est-ce que tu sais qu’avant toi, petit bout de rien du tout, ma vie n’avait aucun sens, aucun but ? Est-ce que tu sais, petit cœur, comme tout à coup, tu as été cet interrupteur, ce bouton qui en un clic, allumait ma vie ?

Petite fille… tes premiers mois n’ont pas été faciles, et je m’en veux pour ça. Si petite, et déjà, tu devais affronter la séparation de tes parents, tes pilliers. Si petite, et je te déracinais de cet endroit, de ce lieu dans lequel tout mon corps t’a créé avec tant d’amour. Ce lieu dans lequel tu avais commencé à créer tes habitudes, à poser tes marques. Chambre, salon, cuisine, salon, chambre. Si fragile, je t’ai prise sur mon épaule, et je t’ai emmenée loin. Si loin.

Crédit photo : photo personnelle

Mais il le fallait petite fille, il fallait reconstruire nos vies, ma vie, et donc la tienne aussi. Petite fille, il n’y avait plus rien de bon dans ce lieu-là, nauséabond, sourd, vicié. Après ce déménagement, j’ai vécu dans un brouillard constant pendant des mois. Comment ai-je pu m’occuper correctement de toi, comment ai-je trouvé la force d’avancer, comment ai-je fait, métro, boulot, dodo, avec un petit toi au milieu ? Petite fille, n’était-ce pas juste parce que tu étais là, que tu avais besoin de moi, tout autant que j’avais besoin de toi ?

J’en ai versé des larmes pour toi, pour moi, pour ces moments déchirants où tu devais partir loin de moi, le temps d’un week-end par ci par là; mais serait-ce vraiment un week-end ? Est-ce qu’on te rendra vraiment à moi ? Est ce que tu me reviendras ? J’ai vécu ces angoisses, et le soulagement égoïste de cet arrêt brutal, ce moment où tu es passée de connue à inconnue pour quelques personnes, grandes par la tailles, et si insignifiantes par le coeur.

J’ai cligné des yeux une fois, et déjà, tu faisais tes premiers pas, le sourire jusqu’aux oreilles, et moi, des sanglots dans la voix. J’ai cligné une seconde fois et te voilà, le pas vaillant, sac à dos sur les épaules, entrant dans ta nouvelle vie de petite fille indépendante. Les larmes sont encore là, mais ce sont maintenant des larmes de joie, après la tempête qui s’était déferlée sur nous. Trois, quatre, neuf clignements, te voilà si grande auprès de moi.

Petite fille, on a grandi toutes les deux, main dans la main, ensemble, toi en taille, et moi en sagesse. Tu me tenais du bout de tes petits doigts, le pas chancelant, presque sur la pointe des pieds. Aujourd’hui, ton bras est plus long, tu me regardes toujours avec attention, ta main tient la mienne fermement et parfois, elle me dirige. Plus besoin de te mettre sur la pointe des pieds pour atteindre ma main, plus besoin de guillis pour me renverser, un peu d’élan te suffit. 

Crédit photo : Photo personnelle

Petit chat, on a survécu aux bobos, plus ou moins gros, on a traversé la tourmente, les pentes ascendantes. On les a toutes franchies, même s’il reste parfois quelques cicatrices, visibles, ou invisibles, celles qu’on se raconte aujourd’hui à grands éclats de rire, ou qu’on se chuchote dans le noir, pour les faire sortir, mais sans s’en rappeler trop fort.

Si grande fille, sais-tu que tu es toute ma vie ? Est-ce pour ça qu’il est si compliqué de te gronder ? Est ce à cause de ce ressenti que parfois, j’ai l’impression de t’avoir tout donné, trop donné ? Est-ce parce que je t’ai trop aimée qu’aujourd’hui, ton caractère est si fort, et si sensible à la fois ? Que parfois, je dois me fâcher pour que tu cesses de râler ? Ai-je fait de toi une petite fille trop gâtée ? Est-ce que j’aurais dû t’élever autrement, est-ce que je t’ai trop couvée, est ce que j’ai fait trop de parallèles entre toi et moi, trop pensé qu’on était semblables, tant par le physique que par l’esprit, alors qu’on est peut-être si différentes ? Petite fille, est-ce que j’ai bien fait ? Est ce que dans dix, vingt, trente ans, je me demanderai encore si j’ai été une bonne maman pour toi ?

Petite fille, tu es grande maintenant. Mais mon combat n’est pas fini. Demain, j’irai encore parler de toi, dans ce grand lieu si froid. Demain, je leur dirai à quel point cette petite fille, si formidable, est devenue grande. Sans son papa. Sans celui-là en tout cas. Petite fille, devenue grande, je me bats pour toi, car je te le dois. Petite fille, si tu n’avais pas été là, où serais-je moi ?

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Mademoiselle Poison Elfie
1 année il y a

Olalala cet article … c’est si beau ce que tu écris. Il y a tant d’amour dans tes mots. Ne doute pas, rien qu’en lisant ça, on sait que tu es une chouette maman, aimante et qui a fait, fait et fera toujours de son mieux pour ses enfants.

Mademoiselle Flocon
1 année il y a

Ca y est, j’ai les yeux tout brouillés, je ne vois même plus mon écran. Bravo Madame [a]ncre pour ce texte magnifique. Quel amour tu lui portes à ta fille ! C’est si beau ❤

Cassandre
Cassandre
1 année il y a

Ayant deux enfants que je protège aussi autant que je peux, je ne peux qu’être touchée par ce très joli texte, pudique, qui montre tout ton amour au milieu des difficultés. Et le bonheur aussi …

Mademoiselle Soleil
Mademoiselle Soleil
1 année il y a

Oh que c’est beau ! Un très beau message d’amour pour elle. Et sache que se poser la question est ce que je suis une bonne mère ? C’est être une bonne mère 🙂

Madame Oulalahoop
1 année il y a

Madame [a]ncre. 3ème fois que je lis et relis ton billet, 3ème fois que ma gorge se serre et que les larmes brouillent ma vue… Quel beau message criant d’amour pour ce petit être qui t’as fait mère. Tes mots sont justes, pudique tout en nous ballançant la force de ton amour… Ne doute pas que tu es une bonne mère, ou si, continue de douter car s’en est peut-être l’essence! Merci pour cette vague d’émotions.

Mademoiselle Carpe
1 année il y a

Cet article est vraiment magnifique. C’est peu dire que de dire que j’ai été émue.

Mlle couture
Mlle couture
1 année il y a

Comme ton message me parle ! On grandit avec nos enfants, ils nous apprennent tellement de choses, reflètent ce qu’on leur transmet, avec nos cicatrices, nos fêlures, ils grandissent en nous tirant avec eux 💕💕💕

Madame Moonlight
1 année il y a

Oh quel bel article, j’ai eu du mal à le terminer avec mes yeux pleins de larmes. Merci pour cet amour.

Mademoiselle Chocolatine Ovale

Ton article est tellement magnifique et émouvant ! C’est si beau l’amour que tu portes à ta fille ❤️